Couleurs des signes
En prenant comme source d'inspiration et comme "sujet" majeur "spatial et temporel", le patrimoine algérien multiforme - tapisserie, poterie, architecture, sans oublier la calligraphie qui, en pays d'islam acquiert une sacralité exemplaire qu'elle tire du livre saint, Ali Foudili ne renoue pas avec une tradition. Il s'y intègre naturellement. La fait sienne pour mieux l'approfondir et en détourner parfois le sens.
Sa sensibilité à fleur de peau y trouve un support émotionnel qui en libérant "l'étrangeté du quotidien" le libère, lui, au premier chef.
Du si beau alphabet arabe, il a choisi, obsessionnellement, les lettres : Ha, Waw, Sin. A peine suggérées ou au contraire mise en valeur, leurs présences lancinantes équilibres la toile, la fait parler, accroche et détourne le regard qui s'en vient, ensuite, se reposer sur les somptueuses couleurs garance, amarante, sienne, bleu limpide, turquoise...
Au risque d'être de prime abord incompris, mais n'est-ce pas là l'un des désirs secrets de l'Artiste, un mal qu'il se fait souvent à lui-même. Ali Foudili, comme un lettré qui construit une nouvelle grammaire, élabore son langage ou plutôt un monologue intérieur dans un désir de communication autre que sémantique.
De son rapport avec les signes ne découle pas un langage dans le sens ou on l'entend généralement.
Mais son imaginaire reste marqué par les parchemins, les manuscrits, les livres qui demeurent son support et l'inspirent. Une démarche acceptée. Pourquoi pas voulue?
Comme certains de ses pairs, le peintre a, au tout début de son inspiration, privilégié des oeuvres à l'encre de chine, frémissantes et épurées. Mais au fil du temps et son entrée dans la maturité, par l'introduction et la préparation du support marouflé, le travail avec des techniques mixtes, ses signes pénètrent dans le monde pictural et plastique.
Si les signes saisissent le premier regard par une présence marquée, ce n'est qu'ensuite que l'on découvre la partition secrète faite de silence torturé ou de sonore affirmation.
Des signes que les couleurs et les formes apaisaient ou au contraire exaltent.
"Tablette fragmentée", "Talisman de l'errance", "Qui chasse cette forme ?", la plupart de ses tableaux sont intitulées. Mais qu'à cela ne tienne : leur lecture attentive nous fait découvrir d'autres messages, d'autres rêves, d'autres espaces.
C'est bien là, la force principale des toiles de Ali Foudili : nous entraîner dans une sorte d'envoûtement romantique et une violence orientale réfrénée, dont les signes ne sont que la clé.
Ali Habib
Journaliste
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