Grande est la solitude de l'artiste contemporain qui, dégagé des contraintes de la représentation et de la vraisemblance, dégagé des valeurs du beau, doit trouver de nouveaux moyens d'expression propres à exprimer la sensibilité de l'homme moderne.
Plus profonde, peut-être, est la solitude de l'artiste arabe puisque, tels ces précurseurs obligés qui ont défriché tant de chemins " auxquels KATEB YACINE rend hommage, il doit se démarquer de la culture occidentale pour trouver un langage plastique en accord avec son identité.
ALI FOUDILI nous donne à voir les bribes de la mémoire de sa propre tribu à travers un langage qui se cherche. Il travaille sur des supports variés : carton, toile de jute, affiches.....; il utilise toutes sortes de matériaux : encre, pastel, peinture acrylique, peinture de bâtiment, goudron... ; il insère des collages, des photocopies qu'il maquille et qui lui permettent de jouer avec des référents culturels variés. Et lorsqu'il parle de la composition, il affirme avec force l'importance de la bidimensionalité comme retour à l'essence de la culture arabo-musulmane.
ALI FOUDILI a choisi d'inscrire dans ses œuvres des lettres : le " ha ( ), le waou ( ), le sin ( )..., pour écrire " les nouvelles dictées qui meublent sa solitude ". La calligraphie permet, en effet, de par sa beauté, son élégance, de renouer avec un passé glorieux dont on peut être nostalgique. La calligraphie d'ALI FOUDILI ne se veut pourtant pas porteuse de sens. Elle est simplement geste ample, pleine de poésie, proche de la spontanéité qui caractérise une partie de l'art contemporain.
Il serait trop réducteur de classer cet artiste en calligraphe car sa réflexion sur l'art est de portée beaucoup plus générale. Son désir le plus cher serait de redonner à l'art décoratif ses lettres de noblesse. Fidèle à ses racines, il dérobe un petit peu à une tisseuse, un motif à une potière berbère ou à une tablette coranique et leur donne une place essentielle dans son travail.
Ses couleurs, parfois vives et joyeuses, sont plus souvent ocres et chaudes comme la terre de la région de BOU-SAADA dont il est originaire.
L'art décoratif ne peut donc être un art mineur comme c'est le cas en occident. Il trouve son rôle prédominant quand les motifs véhiculent les pensées les plus précieuses de la communauté, celles qui ont trait au sacré.
C'est cette démarche complexe, entre tradition et modernité, Orient et Occident, qui nous fait apprécier le travail d'ALI FOUDILI. L'authenticité de cette quête s'inscrit dans une situation qui n'est pas toujours propice à la création. C'est là un autre mérite qu'il faut reconnaître.
FLORENCE KHAMMARI
Université de NANCY
|